Page:Féval - Les contes de nos pères, 1845.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
LA MORT DE CÉSAR.

Et l’étranger les pressa tour à tour sur son cœur en répétant :

— Mon père ! Ma fille !

C’était le dernier héritier mâle de Bazouge de Kerhoat, Henri, vicomte de Plenars. Il arrivait des environs de Beaupréau, où il avait laissé la division qu’il commandait dans l’armée catholique et royale. Ses bottes étaient blanches de poussière et ses éperons sanglants. Quand sa première joie fut calmée, le vieillard devint silencieux. Pendant que le vicomte embrassait sa fille avec passion et semblait ne point pouvoir se rassasier de sa vue, M. de Bazouge réfléchissait.

— Henri, dit-il enfin, que dois-je penser de ce retour ? La guerre est-elle finie ? N’y a-t-il plus en France un coin de terre où se puisse planter notre drapeau ?

Le vicomte fit trêve à ses caresses et montra sa cocarde blanche.

— Monsieur, répondit-il en secouant la poussière de ses bottes de voyage, — mes frères sont morts comme il appartenait à vos fils de mourir. Quand le drapeau blanc tombera, vous ne verrez point de sang à mes éperons, mais à mon épée. Je tiens à honneur d’imiter messieurs mes frères… Ne craignez rien. Vous n’aurez point la honte d’entendre dire jamais que la guerre est finie tant que battra le cœur du dernier de vos fils.

M. de Bazouge prit la main du vicomte et la serra fortement.

— Ah ! si je pouvais !… murmura-t-il avec angoisse.

— Il y aurait un héroïque soldat de plus dans l’armée de Sa Majesté, interrompit le vicomte : mais la pauvre Hen-