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LES CONTES DE NOS PÈRES.

à ses genoux, avait pelotonné son corps ; ses yeux se fermaient nonchalamment pour éviter un rayon de soleil couchant, qui, passant à travers les feuilles, se jouait dans les cils rougeâtres de sa paupière. Il semblait sommeiller à demi.

Tout à coup il se leva et poussa un sourd aboiement. La tête haute, le jarret tendu, il braquait son œil grand ouvert dans la direction de Noyal. Henriette suivit ce regard et devint pâle. Sur la route de Noyal, quatre cavaliers s’avançaient. Henriette avait reconnu l’uniforme redouté des soldats de la république.

Elle se dressa sur ses jambes tremblantes, et prit à toute course le chemin du château. César s’arrêta un instant sur le tertre pour lancer un aboiement menaçant, auquel répondit la voix lointaine d’un fort limier qui suivait les soldats, tenu en laisse par l’un d’entre eux.

À Kerhoat, comme dans presque tous les anciens châteaux, il y avait de sûres et impénétrables cachettes. Henriette devança les soldats d’un quart d’heure, ce qui lui donna le temps de vaincre les scrupules de son aïeul. Le vieillard consentit enfin à se mettre à couvert dans une chambre secrète, après avoir toutefois ceint son épée de bataille et passé à son cou le cordon des ordres du roi, pour le cas où l’on viendrait à découvrir sa retraite. Ces fiers débris de la gloire française n’aimaient point à mourir en négligé.

César se coucha en travers de la cachette.

Quelques minutes après, trois soldats et un délégué du district de Rennes se présentèrent à la porte du château. Lapierre, qui n’était point averti, ouvrit, et fut immédiatement fait prisonnier.

— Où est ton maître ? demanda le délégué.