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LE MÉDECIN BLEU.

ton de froideur, s’est donc enfin souvenue de son ancienne amie ?

— Elle ne l’a jamais oubliée, répondit Sainte avec douceur.

— C’est, de sa part, bien de la bonté… Et n’avez-vous point tremblé, Sainte, à l’idée de confier votre vie à des brigands tels que nous ?

Marie appuya sur ce dernier mot avec une singulière emphase ; on voyait que la pauvre enfant prenait fort au sérieux sa position d’héroïne. Sainte songea peut-être à cette fable que le bon la Fontaine a intitulée la Mouche du coche, mais elle n’en fit rien paraître, et répondit simplement :

— Je suis sous la sauvegarde de Jean Brand.

— Pauvre sauvegarde, ma fille !… Jean Brand est ce que tout le monde est ici, mon serviteur… un mot de moi, un geste, moins que cela, le ferait rentrer sous terre.

Sainte baissa les yeux… Elle se sentait prise de pitié.

— Vous êtes bien puissante, Marie, dit-elle ; êtes-vous heureuse ?

Cette question fit tomber comme par enchantement le masque au moyen duquel Marie voulait cacher son naturel franc et sincère. Elle regarda un instant Sainte d’un air indécis, puis, se levant d’un saut, elle lui jeta les bras autour du cou et se prit à pleurer.

— Sainte, ma bonne Sainte, dit-elle, que je voudrais être à ta place !

La fille du docteur lui rendit son étreinte, et toutes deux, les bras enlacés, s’assirent côte à côte.

— Ainsi, dit Sainte, tu n’es pas heureuse ?

— Je ne sais… Parfois des idées de gloire traversent ma cervelle ; je me sens le cœur d’un homme, et ma main trouve