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LES CONTES DE NOS PÈRES.

de la mort, la glaçait et la tuait. Sans se rendre compte de son vague espoir, et plutôt pour s’isoler de ce froid visage de vieillard, véritable personnification du trépas. Henriette regagna la meurtrière, et tenta de passer sa tête par l’ouverture, afin de voir au pied de la muraille. L’ouverture était beaucoup trop étroite, mais Henriette réussit à détacher une pierre, qui roula en morceaux à l’intérieur.

Alors elle put se pencher et regarder.

Immédiatement au-dessous d’elle, un dôme opaque de branchages entrelacés lui cachait le sol ; à droite et à gauche il y avait deux éclaircies. Par la première, Henriette vit le citoyen Thomas ; par la seconde, le citoyen Bertin. Tous deux avaient le cou tendu, et dévoraient des yeux la poterne.

— Pauvre Janet ! pensa la jeune femme ; — ils vont le tuer.

Et pourtant, l’instinct de conservation et l’amour de mère, surexcités en elle par l’horreur de sa situation, ne lui permirent point de repousser cette dernière chance de salut. Elle entendit le pas léger de l’enfant, et n’eut pas le courage de l’avertir que deux hommes étaient là, cachés, — deux ennemis.

Janet avançait toujours. Mme de Thélouars enveloppa un fragment de pierre dans son billet, afin que le tout pût percer la voûte de branchages, et le laissa tomber.

L’effet fut tel, qu’elle ne pouvait point s’y attendre.

Un double cri retentit ; le citoyen Bertin et le citoyen Thomas s’élancèrent à la fois.

— Le Régent ! dirent-ils en même temps.

Ils se rencontrèrent auprès du billet qui gisait à terre, et se regardèrent stupéfaits. Puis leurs yeux s’allumèrent, et pour la première fois de leur vie sans doute, leurs mains