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LES CONTES DE NOS PÈRES.

après, toute la petite troupe était en route, savoir, les gentilshommes au galop, et les paysans au pas de course. Janet, monté sur un cheval frais, devançait tout le monde. Il s’était armé jusqu’aux dents ; ses traits enfantins et réguliers respiraient l’ardeur des batailles.

Mais il ne devait point y avoir de bataille. Ce qui nous reste à raconter est autre et plus terrible qu’un combat.

La vue d’un cavalier fuyant à toute bride avait donné à réfléchir au citoyen Thomas, ainsi qu’au citoyen Bertin. Ils revinrent au manoir de fort mauvaise humeur, firent donner encore çà et là quelques coups de pioche, et tinrent ensuite, à l’écart, une sorte de conseil.

— Citoyen, dit Thomas, nous étions venus tous les deux, je le vois, dans le même but : nous voulions nous emparer du Régent

— Pour le compte de la République ! interrompit Bertin avec emphase.

— Évidemment ! reprit Thomas. Le diamant ci-devant de la couronne n’eût fait que passer entre nos mains pures et incorruptibles… Mais, à l’heure qu’il est, le Régent court la poste.

— Ce n’est que trop vrai ! soupira Bertin.

— L’homme qui l’emporte pourrait bien nous attirer sur le dos les cohortes contre-révolutionnaires.

— Je pense que cela n’est pas impossible.

— Je n’ai pas peur, citoyen Bertin.

— Je suis sans crainte, citoyen Thomas… mais…

— Au fait…

— La République a besoin de nous.

— La République en a très-grand besoin !

— Je ne vous parle pas de fuir…