Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/114

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Je n’avais de loisir que le dimanche ; je passais ce jour-là dans une stupeur semblable à celle des bêtes, entre le sommeil et la veille, sous un grand arbre. Quelquefois je me levais, un éclair énergique de liberté traversait les ténèbres de mon esprit, accompagné d’une faible lueur d’espérance qui brillait un moment, et puis s’évanouissait. Je retombais à terre, et je me remettais à déplorer ma misérable position. J’étais quelquefois porté à me tuer moi-même, après avoir tué Covey, mais un mélange d’espérance et de crainte m’en empêchait. Mes souffrances dans cette plantation me paraissent maintenant un songe plutôt qu’une triste réalité.

Notre maison était située à quelques verges de la baie de Chesapeake, dont la vaste surface était toujours blanchie par les voiles de bâtiments venus de tous les quartiers du globe. Ces beaux navires avec leurs ailes d’un blanc pur, ces objets de l’admiration des hommes libres, étaient pour moi comme des revenants, enveloppés de linceuls funèbres, qui étaient venus exprès pour me tourmenter et pour m’effrayer, en éveillant en moi mille réflexions sur ma misérable destinée. Souvent dans la profonde tranquillité d’un dimanche d’été, je suis resté seul sur les hautes rives de cette majestueuse baie ; et j’ai suivi avec un cœur triste et les yeux pleins de