Aller au contenu

Page:F.Douglass, Vie de Frédéric Douglass esclave Américain, 1848.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

ce que c’était que d’être bien traité ; mais eux, ils n’en avaient jamais fait l’expérience : ils n’avaient point vu le monde, ou ils n’en avaient vu que très-peu de chose. Hélas ! c’était bien des hommes et des femmes de douleur, et ils savaient ce que c’était que l’affliction. À force de coups, leur dos s’était, pour ainsi dire, accoutumé au fouet sanglant, et y était devenu moins sensible. Le mien était encore tendre ; car, pendant mon séjour à Baltimore, on ne m’avait fouetté que rarement ; et il y avait bien peu d’esclaves qui pussent se vanter d’avoir un maître et une maîtresse meilleurs que les miens. L’idée de les quitter, pour appartenir à M. André, était bien propre à m’inspirer de mortelles inquiétudes sur mon sort ; car cet homme m’avait donné la veille un exemple de la férocité de son caractère : il avait saisi mon petit frère par la gorge, l’avait jeté par terre et lui avait frappé la tête du talon de sa botte, jusqu’à ce que le sang coulât de son nez et de ses oreilles. Après avoir commis cet acte de cruauté, il se tourna vers moi, et me dit qu’il avait l’intention de me traiter ainsi un de ces jours ; ce qui voulait dire, je m’imagine, lorsque je tomberais entre ses mains.

Grâce à la bonté de la Providence, j’échus en partage à Mme Lucrèce, qui me renvoya aussitôt à