Page:FRAD006 G1259.pdf/37

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
19

[99] Du mercredi 5e juillet

Hôpital

Nous nous sommes rendu sur les sept heures du matin, revêtu de notre rochet et de notre camail, à l’hôpital, avec le sieur Blanc, chanoine, et notre aumônier.

Les sieurs Mallet et André, directeurs en exercice, nous ont reçu à la porte. Nous sommes monté à la première salle, qui est pour les femmes, et ayant fait notre prière au pied de l’autel, nous nous sommes informé s’il y avait quelque fondation. Claude Isnard, chanoine, l’a fondé, qui donna 100 écus sur Emmanuel Broc, de Vence, au denier 16[1]. Il y avait deux messes. Le sieur Scipion Blacas, chanoine, vicaire général le siège vacant, les réduisit à une, ce que M. Godeau confirma.

On nous a dit qu’il y avait une messe par semaine, les vendredis, qu’on a dite pendant quelque temps. C’était le premier bénéficier de l’église qui en était chargé. Il devait donner deux sous par aumône et aux pauvres. Mais les tailles et les rentes ont consommé tout le fonds. La messe ne se dit plus depuis sept ou huit ans[2].

[100] Il y a cinq lits sur des traiteaux dans la salle, garnis chacun d’une paillasse, d’un matelas, d’un chevet, avec de la toile peinte pour garniture. Il y a à côté une petite chambre avec un lit garni de même, et un petit cabinet qui servait de sacristie[3], Il y a maintenant cinq femmes alitées.

Au fond de la salle il y a un cabinet propre, avec une armoire au fond, dans lequel est le linge, et quelque peu de meubles dont le sieur Mallet, qui en a fait depuis peu un mémoire fort exact, nous donnera un état. Les papiers dudit hôpital y sont aussi.

Il y a deux chasubles, une noire de camelot, l’autre de cataloufe qui peut servir pour le blanc et pour le rouge ; cinq purificatoires ; deux corporaux ; deux palles[4] ; deux bourses ; un missel assez bon ; un cahier pour les morts ; une aube ;un cordon ; cinq nappes pour l’autel. Un bénéficier de la cathédrale nommé Jean Reymond donna en mourant son calice et ses burettes à l’église, à condition qu’on pourrait s’en servir pour l’hôpital. La pierre sacrée est trop petite. Elle n’a pas de relique. Il y a sur l’autel un crucifix de bois et deux chandeliers de laiton. Le tableau représente saint Jean-Baptiste. Le patron dudit hôpital est saint Jacques[5].

  1. Le denier 16 : 6,25 % (100 divisé par 16). Cent écus valant 300 livres, ce capital doit rapporter 18 livres et 314 de livre par an.
  2. Mgr Bourchenu ne nous dit pas qui avait fondé cette messe. Cette fondation été assise sur un fonds immobilier, puisque soumis à la taille. Je ne vois pas quelles peuvent être ces "rentes" qui ont contribué avec la taille. à consommer le fonds, sauf à penser que ce sont les rentiers qui, prenant l’immeuble en location, l’ont si mal entretenu qu’ils l’ont rendu inculte. Par “premier des bénéficiers", sans doute faut-il entendre le plus ancien.
  3. Qui servait de sacristie à la chapelle de l’hôpital qui se trouve dans cette salle du premier étage. Au lieu de "nous sommes monté à la première salle", comme ci-dessus, Mgr Bourchenu avait d’abord écrit, "Nous sommes monté à la chapelle".
  4. palles. Le Robert donne : "PALE ou PALLE. Liturg. cathol. Linge sacré (carré et rigide) dont le prêtre recouvre la patène et le calice pendant la messe".
  5. Ce n’est pas la première fois que l’on voit mentionner le patronage de saint Jacques pour l’hôpital de Vence. Cette appellation se voit déjà dans la visite de Mgr de Crillon, en 1706 (Archives départementales des Alpes-Maritimes, G 1254). Beaucoup d’hôpitaux du diocèse de Grasse étaient sous ce patronage, qui évoque le pèlerinage de Compostelle, à une époque où les hôpitaux étaient en particulier des lieux d’hébergement pour les "pauvres passants". On doit s’étonner que le tableau représente Jean-Baptiste. La dévotion propre aux hôpitaux était généralement le Christ, l’hôpital étant destiné "aux pauvres de Jésus-Christ". D’ailleurs, dans la visite de Crillon de 1699, il est dit que le tableau représente "le Sauveur ressuscitant un mort" (Archives départementales des Alpes-Maritimes, G 1252).