Page:Fables chinoises du IIIe au VIIIe siècle de notre ère.djvu/31

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Il criait au pauvre animal
Qui ne lui faisait pas de mal,
Brutal, le frappant en cadence :
— Ô corne courbe, avance, avance ! —
Mais ce bœuf insulté prit cette injure à cœur,
Et le sentiment de l’honneur,
Il le perdit avec sa force et son courage.
Auteur, victime aussi, de cet outrage,
Son maître y perdit, lui, son bien
Le voisin eut tout, lui plus rien
L’autre recommença, proclamant sa gageure :
— S’il est un bœuf plus fort que mon bœuf, je le jure,
Son maître aura tout mon trésor.
A-t-il quelque rival encor ? —
Or
Le bœuf noir, entendant cela, dit à son maître :
— Acceptez le défi, vous gagnerez peut-être. —
— Le puis-je, hélas, — fit-il — bœuf sournois, bœuf
mauvais,
Et n’ai-je point perdu par toi ce que j’avais ?
Le bœuf lui répondit : — Grimper un monticule
Quand il se voit tourné par tous en ridicule
Eh ! quel bœuf le pourrait ? Je n’avais plus, soudain,
Par l’effet de votre dédain,
La force de traîner votre lourd véhicule
Ni le sentiment de l’honneur !