Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/210

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ville est peuplée de gens dont vous pouvez avoir besoin un jour ou l’autre. Une visite au Jour de l’An bien placée, rapporte toujours quelque chose. Allons ! installez votre femme au salon dans tous ses atours, et partez gaiement. Il vous faut avoir de l’esprit, ou, du moins, de l’entrain durant cinq heures.

C’est par l’Église que l’on commence son pèlerinage mondain. On va d’abord à l’évêché, au séminaire. Mesdames, le dirai-je ? Je le dirai, car en vous la grâce est plus forte que la coquetterie. Eh bien ! ces visites sont peut-être les plus agréables de la journée. Entendons-nous. Est-ce effet de l’éducation que nous recevons, sympathie intellectuelle ou plaisir de rencontrer, au moins une fois l’an, des hommes de bien et d’esprit, qui ne s’occupent ni de politique, ni de spéculations, ni d’entreprise à monter, ni de terrains à vendre, je l’ignore ; mais ce que je sais c’est que nul salon orné de belles dames, ne présente spectacle aussi animé, aussi joyeux, que le salon de l’évêché ou le salon du séminaire. On y entre sans regret, peut-être sans repentir, et on en sort comme si on avait reçu l’absolution sans confession. On aime à revoir ces figures qui nous furent autrefois familières, qui s’associent aux souvenirs de jeunesse, et qui sont restées les mêmes, toujours indulgentes et douces. On aime à s’entendre rappeler par un mot le passé si loin déjà, et à revoir des amis qui vous ont connus si jeunes et qui vous regardent comme si vous étiez encore là, devant eux, dans votre capot d’écolier !

La conscience en repos et muni de la bénédiction de votre curé, vous vous remettez en route. Il faut du tact, de l’expérience, pour parvenir à faire soixante-quinze ou quatre-vingts visites dans une seule journée. Si vous entriez partout, il vous faudrait y renoncer. Le secret du succès, c’est de se présenter chez un certain nombre de personnes au moment où elles ne peuvent pas vous recevoir, soit qu’il soit trop tôt, soit qu’il soit trop tard. En faisant, par exemple, des visites