Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/212

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desquels il faut bon gré mal gré se débattre. Ainsi, c’est en vain que vous tenteriez de ne pas parler du temps qu’il fait, des années qui passent, des bals qui viennent, des enfants qui poussent. Soumettez-vous : ce sont les entretiens du jour. Gare aux distractions ! Vous êtes perdu si vous vous informez des enfants là où il n’y en a pas. Vous vous exposez à des confidences sur les regrets que cette absence fait naître, confidences intéressantes mais trop longues pour tenir dans une visite du Jour de l’An.

À côté des sujets éternels il y a les sujets de circonstance. Parmi ceux-là nous avons eu cette année : Mlle Albani, le dîner à M. Joly, le scandale des Tanneries, les élections prochaines. La conversation du Jour de l’An est comme un sommaire des conversations de toute l’année. D’un mot on indique tout ce dont on a parlé, tout ce dont on parlera. Les dames dans leurs visites qu’elles commencent après les Rois et qu’elles prolongent à plaisir, se chargent de compléter ce que nous n’avons fait qu’indiquer, de peindre ce que nous n’avons fait qu’esquisser. Elles s’en tirent à merveille et on peut, sans inquiétude, leur laisser beaucoup à dire.

Il ne suffit pas d’avoir fait ses soixante-quinze visites, il faut encore, en rentrant, en rendre compte à sa famille réunie un cercle autour de vous. Les questions pleuvent.

Quelle était la mieux mise ?

Madame X… avait-elle encore sa robe jaune des années dernières ?

Madame A… était-elle dans ses bons jours ?

As-tu oublié B… ?

Pourquoi n’avoir pas été de suite chez C… qui vient toujours le Jour de l’An même ?

Il n’est pas possible que Madame Z… reçoive déjà quand il y a deux mois à peine que sa belle-mère est morte !

Ceux-ci et ceux-là ne sont pas venus ; faisaient-ils des visites ?