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SCÈNE III.

Le lendemain de la défaite. La scène représente une étude de notaire. L’ex-candidat, sans veste, une seule bretelle attachée, pas un coup de peigne : costume du désespoir. Il se promène à grands pas.

Le Candidat. — Pourquoi ai-je écouté la voix perfide de l’ambition, la sirène parlementaire ? Pourquoi ai-je voulu quitter cette modeste chambre, où j’ai fait tant d’actes de donation, de vente, d’échange, de transport ; où, depuis vingt ans, j’ai vu entrer, sou par sou, toute ma petite fortune. Un jour, j’ouvrais ma porte toute grande aux trente sous, un autre jour aux piastres. Mais pour les laisser sortir, je ne l’ouvrais qu’à demi, et pas tous les jours. Hélas ! je viens de dépenser en un mois, deux ans d’économie, la valeur de deux cents actes et de cinq cents conseils.

Le bonheur du notariat est plus accessible que la félicité parlementaire, et peut-être est-il plus doux. Dire que j’ai autant de plaisir à passer un contrat qu’au premier jour ! Le même battement de cœur lorsque le client entre, la même manière de lui offrir une chaise, la même chaise à lui offrir, les mêmes embarras et perplexités de rédaction à vaincre ! Rien n’a changé en moi, depuis le jour où je vis entrer par cette porte, (je le vois encore) un gros homme court avec un signe sur la joue gauche, qui me pria de lui préparer un transport. S’il avait su avec quel transport je l’accueillais, il ne m’aurait pas payé l’autre !… Et dire que j’ai voulu m’éloigner de toute cette félicité, de tout ce bonheur intime, trois mois chaque année ! ah ! j’ai bien mérité ce qui m’arrive…

Voyons ces lettres :

Mon Cher Ami. — Je te félicite d’avance sur le succès de ton élection. D’après ce que tu m’écris, je n’ai pas de doute que lorsque tu recevras cette lettre, tu seras bien et dûment