Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/263

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— Ce que tu dis, interrompt Mme. Perret, me paraît manquer d’élévation.

— Je parle affaires et voilà tout. Fais-moi le plaisir de remonter à l’origine des fortunes de ceux que tu reçois dans tes salons. Combien n’y en a-t-il pas qui ont puisé leur premier capital dans un fonds de banqueroute ?

Perret menaçait de rentrer dans ses théories favorites, sur les fortunes des autres, quand sa femme qui tenait à laisser sa fille seule avec le docteur, prit un prétexte pour rompre l’entretien et entraîner le bavard vers d’autres auditeurs.

Blandy n’était pas homme à perdre son temps. Il était convaincu de l’importance d’entrer le premier dans la lice qui allait s’ouvrir et où la jeunesse contemporaine se disputerait le cœur de Mlle. Perret. La jeune fille devait être d’ailleurs admirablement disposée à écouter le tendre langage de l’astucieux docteur ; rien ne prédispose à l’indulgence du cœur comme le succès.

En ce moment, Mlle. Perret était presque jolie. Le bruit flatteur des applaudissements avait fait monter à ses joues ce coloris charmant qu’apporte l’émotion. L’amour-propre satisfait donnait à ses yeux un éclat qui leur manquait d’ordinaire.

Ce petit accès de beauté aidant, Blandy devait être à demi sincère dans les aveux qu’il s’apprêtait à faire ; c’est plus qu’il n’avait jamais été, bien certainement.

— Mademoiselle, dit le docteur, je n’ai pu encore trouver l’occasion de vous féliciter sur votre brillant succès. C’est le prélude de bien d’autres, mais je suis heureux d’avoir été témoin du premier. Tous avez été charmante de grâce, de modestie. Vous paraissiez être seule à ignorer que c’était à vous que s’adressaient les applaudissements. J’aimerais à vous entendre déclamer encore une fois cette Prière d’une Mère, que vous avez dite avec une intonation si juste, avec un sentiment si vrai de toutes les nuances de l’affection.