Page:Fabre - Chroniques, 1877.djvu/98

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Bref, il s’excuse et s’en va. Au coin de la rue, il aborde un sien ami, à qui il raconte qu’il vient de vous révéler les abus les plus criants et que vous avez refusé tout net de les faire connaître au public. En manière de conclusion, il s’écrie :

— Il n’y a pas un journaliste indépendant. Ah ! si j’avais seulement un carré de papier et une plume !

Il y a encore l’inventeur, l’homme qui vient de découvrir le moyen de faire des omelettes sans œufs et qui ne réussit qu’à faire des omelettes de tous ses œufs. Celui-là vous confie son secret, pour qu’à un signal donné, vous le puissiez révéler au monde.

Étonnez-vous après cela que parfois les articles soient décousus, mal écrits. Si, en particulier, cette chronique vous paraît mal venue, si mon style vous semble essoufflé, sachez que je remplace à l’improviste mon confrère et ami Gérin, qui est empêché ce mois-ci de remplir sa tâche ordinaire, et qu’entre deux articles politiques, il me faut courir une étape de dix à douze pages, à bride abattue, sans laisser reposer ma plume.


Il se fait de ce temps-ci en Europe un si grand bruit d’hommes, de chevaux et de canons qu’il est impossible de n’y point prêter l’oreille, et c’est de ce côté que la Chronique doit d’abord porter ses pas.

Lorsqu’éclata la guerre d’Orient il n’y eut qu’un sentiment au Canada. Pendant que nos voisins sympathisaient avec les Russes et se moquaient des lenteurs du siège de Sébastopol, — car ils n’avaient point encore appris devant Richmond que l’on ne prend pas les villes en un jour, — nous n’avions, nous, qu’une pensée, qu’un vœu, celui de voir triompher les drapeaux unis de la France et de l’Angleterre. Notre enthousiasme nous joua même un mauvais tour. Un Tartare facétieux ayant fait courir le bruit en Europe que Sébastopol