Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/109

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Une nouvelle ration ne peut donc tenter sa gloutonnerie, et désormais elle songe à se faire un habitacle de soie. En tout, son repas a duré de dix à douze jours, sans discontinuer. À cette époque, la longueur de la larve mesure de 25 à 30 millimètres, et la plus grande largeur de 5 à 6. Sa forme générale, un peu élargie en arrière, graduellement rétrécie en avant, est conforme au type ordinaire des larves d’Hyménoptères. Ses segments sont au nombre de quatorze, en y comprenant la tête, fort petite et armée de faibles mandibules, qu’on croirait incapables du rôle qu’elles viennent de remplir. De ces quatorze segments, les intermédiaires sont munis de stigmates. Sa livrée se compose d’un fond blanc jaunâtre, semé d’innombrables ponctuations d’un blanc crétacé.

Nous venons de voir la larve commencer le deuxième Grillon par le ventre, partie la plus juteuse, la plus moelleuse de la pièce de gibier. Pareille à l’enfant, qui lèche d’abord le raisiné de sa tartine et mord après sur le pain d’une dent dédaigneuse, elle va tout de suite au meilleur, aux viscères abdominaux, et laisse pour le loisir d’une douce digestion les chairs qu’il faut patiemment extraire de leur étui de corne. Cependant le vermisseau tout jeune, au sortir de l’œuf, ne débute pas avec semblable friandise : à lui le pain d’abord et puis le raisiné. Il n’a pas le choix : il doit mordre, pour première bouchée, en pleine poitrine, au point même où la mère a fixé l’œuf. C’est un peu plus dur, mais la place est sûre, à cause de l’inertie profonde dans laquelle trois coups de stylet ont plongé le thorax. Ailleurs il y aurait, sinon toujours, du moins souvent, des frémissements spasmodiques, qui détacheraient le faible ver et l’exposeraient ainsi à de terribles chances, au milieu d’un amoncellement de victimes dont les jambes postérieures, dentelées en scie, peuvent avoir de loin en loin quelques soubresauts et dont les man-