Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/200

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vait d’abri, le sol qu’elle recouvrait ainsi que les environs immédiats je ne découvre rien qui puisse me dire la cause de cette étrange réunion. Ne pouvant mieux faire, j’essaie le dénombrement. J’en étais là quand les nuages sont venus mettre fin à mes observations et nous plonger dans cette obscurité dont je viens de dire les anxieuses suites. Aux premières gouttes de pluie, avant d’abandonner les lieux, je m’empresse de remettre la pierre en place et de réintégrer les Ammophiles sous leur abri. Je m’accorde un bon point, que le lecteur confirmera, je l’espère, pour avoir eu la précaution de ne pas laisser exposées à l’averse les pauvres bêtes dérangées par ma curiosité.

L’Ammophile hérissée n’est pas rare dans la plaine, mais c’est toujours une à une qu’elle se rencontre au bord des sentiers et sur les pentes sablonneuses, tantôt livrée au travail d’excavation de son puits, tantôt occupée au charroi de sa lourde chenille. Elle est solitaire, comme le Sphex languedocien ; aussi était-ce pour moi profonde surprise que de trouver, presque à la cime du Ventoux, cet Hyménoptère réuni en si grand nombre sous l’abri de la même pierre. Au lieu de l’individu isolé, qui jusqu’ici m’était connu, s’offrait à mes regards une société populeuse. Essayons de remonter aux causes probables de cette agglomération.

Par une exception fort rare chez les Hyménoptères fouisseurs, l’Ammophile hérissée nidifie dès les premiers jours du printemps : vers la fin de mars si la saison est douce, au plus tard dans la première quinzaine d’avril, alors que les Grillons prennent la forme adulte et dépouillent douloureusement la peau du jeune âge sur le seuil de leur logis, alors que le Narcisse des poètes épanouit ses premières fleurs et que le Proyer lance, dans les prairies, sa traînante note du haut des peupliers, l’Ammophile hérissée est à l’œuvre pour creuser le domicile de ses larves et l’approvisionner ;