Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/213

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l’Ammophile ne les traite pas comme les autres : au lieu d’aller les rejeter au vol loin du chantier, elle les transporte à pied et les dépose à proximité du puits. Ce sont là matériaux de choix, moellons tout préparés qui serviront plus tard à clore le logis.

Ce travail extérieur se fait avec des allures compassées et une diligence grave. L’insecte, hautement retroussé, l’abdomen tendu au bout de son long pédicule, se retourne, vire de bord tout d’une pièce, avec la raideur géométrique d’une ligne qui pivoterait sur elle-même. S’il lui faut rejeter à distance les déblais jugés encombrants, il le fait par petites volées silencieuses, assez souvent à reculons, comme si l’Hyménoptère, sortant de son puits la tête la dernière, évitait de se retourner afin d’économiser le temps. Ce sont les espèces à ventre longuement pédiculé, comme l’Ammophile des sables et l’Ammophile soyeuse, qui déploient le mieux dans l’action cette rigidité d’automate. C’est si délicat, en effet, à gouverner, que cet abdomen se renflant en poire au bout d’un fil : un brusque mouvement pourrait fausser la fine tige. On marche donc avec une sorte de précision géométrique ; s’il faut voler, c’est à reculons pour s’épargner des virements de bord trop répétés. Au contraire, l’Ammophile hérissée, dont le pédicule abdominal est court, possède en travaillant à son terrier, la désinvolture, la prestesse des mouvements qu’on admire chez la plupart des fouisseurs. Elle est plus libre d’action, n’ayant pas l’embarras du ventre.

Le logis est creusé. Sur le tard, ou même tout simplement lorsque le soleil s’est retiré des lieux où le terrier vient d’être foré, l’Ammophile ne manque pas de visiter le petit amas de moellons mis en réserve pendant les travaux de fouille, dans le but d’y choisir une pièce à sa convenance. Si rien ne s’y trouve qui puisse la satisfaire, elle explore le voisinage et ne tarde pas à rencontrer ce qu’elle veut. C’est une petite