Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/302

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cellule. Il a dans ses mandibules ciseaux, lime, pic, levier, pour couper, ronger, abattre tant son cocon et sa muraille de mortier que toute autre enceinte, pas par trop tenace, substituée à la paroi naturelle du nid. De plus, condition majeure sans laquelle l’outillage resterait inutile, il a, je ne dirai pas la volonté de se servir de ses outils, mais bien un stimulant intime qui l’invite à les employer. L’heure de la sortie venue, ce stimulant s’éveille, et l’insecte se met au travail du forage.

Peu lui importe alors que la matière à trouer soit le mortier naturel, la moelle de sorgho, le papier : le couvercle qui l’emprisonne ne lui résiste pas longtemps. Peu lui importe même qu’un supplément d’épaisseur s’ajoute à l’obstacle, et qu’à l’enceinte de terre se superpose une enceinte de papier ; les deux barrières, non séparées par un intervalle, ne font qu’un pour l’Hyménoptère, qui s’y fait jour parce que l’acte de la délivrance se maintient dans son unité. Avec le cône de papier, dont la paroi reste peu à distance, les conditions changent, bien que l’enceinte totale, au fond, soit la même. Une fois sorti de sa demeure de terre, l’insecte a fait tout ce qu’il était destiné à faire pour se libérer ; circuler librement sur le dôme de mortier est pour lui la fin de la délivrance, la fin de l’acte où il faut trouer. Autour du nid une autre barrière se présente, la paroi du cornet ; mais pour la percer il faudrait renouveler l’acte qui vient d’être accompli, cet acte auquel l’insecte ne doit se livrer qu’une fois en sa vie ; il faudrait enfin doubler ce qui de sa nature est un, et l’animal ne le peut, uniquement parce qu’il n’en a pas le vouloir. L’Abeille maçonne périt faute de la moindre lueur d’intelligence. Et, dans ce singulier intellect, il est de mode aujourd’hui de voir un rudiment de la raison humaine ! La mode passera, et les faits resteront, nous ramenant aux bonnes vieilleries de l’âme et de ses immortelles destinées.