Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/304

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

une entorse, et compromettre la puissance d’essor. Tandis que l’Abeille est à sa cellule, absorbée dans son travail, je la recouvre d’une petite éprouvette de verre. En s’envolant, la maçonne s’y engouffre, ce qui me permet, sans la toucher, de la transvaser aussitôt dans un cornet de papier, que je me hâte de fermer. Une boite en fer-blanc, boîte d’herborisation, me sert au transport des prisonnières, chacune dans son cornet.

C’est sur les lieux choisis comme point de départ que le plus délicat reste à faire : marquer chaque captive avant sa mise en liberté. Je fais emploi de craie en poudre fine, délayée dans une forte dissolution de gomme arabique. La bouillie, déposée avec un bout de paillé sur un point de l’insecte, y laisse tache blanche, qui promptement se sèche et adhère à la toison. S’il s’agit de marquer un Chalicodome pour ne pas le confondre avec un autre dans des expériences de courte durée, comme j’en rapporterai plus loin, je me borne à toucher, de ma paille chargée de couleur, le bout de l’abdomen, tandis que l’insecte est à demi plongé dans la cellule, la tête en bas. Cet attouchement léger passe inaperçu de l’Hyménoptère, qui continue son travail sans dérangement aucun ; mais la marque n’est pas bien solide, et de plus elle est en un point défavorable à sa conservation, car l’Abeille, avec ses fréquents coups de brosse sur le ventre pour détacher le pollen, tôt ou tard la fait disparaître. C’est donc au beau milieu du thorax, entre les ailes, que je dépose le point de craie gommée.

Dans ce travail, l’emploi de gants n’est guère possible : les doigts réclament toute leur dextérité pour saisir avec délicatesse la remuante Abeille et maîtriser ses efforts sans brutale pression. On voit déjà qu’à ce métier, s’il n’y a pas d’autre profit, il y a du moins gain assuré de piqûres. Un peu d’adresse fait éviter le dard, mais pas toujours. On s’y résigne. Du reste, la piqûre des Chalicodomes est loin d’être aussi cuisante que celle