Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/33

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sement du cheval, dressait un peu la tête par-dessus le mur mitoyen des deux jardins, et tout doucement, faisant porte-voix de la main, me criait : hé ! hé ! J’accourais recevoir un plein pot de crottin. La discrétion des deux parts était nécessaire, vous allez voir. Un jour le maître survient de fortune au moment de l’opération ; il s’imagine que tout son fumier déménage par-dessus le mur et que je détourne au profit de mes verveines et de mes narcisses ce qu’il réserve pour ses choux. Vainement j’essaie d’expliquer la chose : mes raisons paraissent plaisanteries. Joseph est houspillé, traité de ceci, traité de cela, et menacé d’être congédié s’il recommence. On se le tint pour dit.

Il me restait la ressource d’aller sur la grande route cueillir honteusement, à la dérobée, dans un cornet de papier, le pain quotidien de mes élèves. Je l’ai fait et je n’en rougis pas. Quelquefois le sort me favorisait : un âne apportant au marché d’Avignon les produits maraîchers de Château-Renard ou de Barbentane, déposait son offrande en passant devant ma porte. Telle aubaine, aussitôt recueillie, m’enrichissait pour quelques jours. Bref, rusant, guettant, courant, faisant de la diplomatie pour une bouse, je parvins à nourrir mes captifs. Si le succès est attaché aux entreprises faites avec passion, avec amour que rien ne rebute, mon expérience devait réussir ; elle ne réussit pas. Au bout de quelque temps, mes Scarabées consumés de nostalgie dans un espace qui ne leur permettait pas les grandes évolutions, se laissèrent misérablement mourir sans me livrer leur secret. Les Gymnopleures et les Onthophages répondirent mieux à mon attente. En moment opportun, je profiterai des renseignements par eux fournis.

Avec mes essais d’éducation en volière étaient menées de front les recherches directes, dont les résultats étaient loin de ce que je pouvais désirer. Je crus nécessaire de m’adjoindre des aides. Précisément, une