Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/38

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Sur le fond est fixé verticalement l’œuf, cylindrique, arrondi aux deux bouts, d’un blanc jaunâtre, du volume à peu près d’un grain de froment mais plus court. La paroi de la niche est crépie d’une matière brune verdâtre, luisante, demi-fluide, vraie crème stercorale destinée aux premières bouchées de la larve. Pour cet aliment raffiné, la mère cueillerait-elle la quintessence de l’ordure ? L’aspect du mets me dit autre chose, et m’affirme que c’est là une purée élaborée dans l’estomac maternel. Le pigeon ramollit le grain dans son jabot et le convertit en une sorte de laitage qu’il dégorge ensuite à sa couvée. Selon toute apparence, le bousier a les mêmes tendresses : il digère à demi des aliments de choix et les dégorge en une fine bouillie, dont il enduit la paroi de la niche où l’œuf est déposé. À son éclosion, la larve trouve de la sorte une nourriture de digestion facile, qui lui fortifie rapidement l’estomac et lui permet d’attaquer les couches sous-jacentes, auxquelles manque ce raffinement de préparation. Sous l’enduit demi-fluide est une pulpe de choix, compacte, homogène, d’où tout brin filandreux est exclu. Par-delà viennent des assises grossières, où les fibres végétales abondent ; enfin l’extérieur de la pelote est composé des matériaux les plus communs, mais tassés, feutrés en coque résistante.

Un changement progressif dans le régime alimentaire est ici manifeste. En sortant de l’œuf, le tout débile vermisseau lèche la fine purée sur les murs de sa loge. Il y en a peu, mais c’est fortifiant et de haute valeur nutritive. À la bouillie de la tendre enfance succède la pâtée du nourrisson sevré, pâtée intermédiaire entre les exquises délicatesses du début et la nourriture grossière de la fin. La couche en est épaisse et suffisante pour faire du vermisseau un robuste ver. Mais alors aux forts la nourriture des forts, le pain d’orge avec ses arêtes, le crottin naturel plein d’aiguilles