Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/44

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mérite n’était pas méconnu, recevait pour lui et les siens 1600 fr., moins que le gage d’un palefrenier de bonne maison. Ainsi le voulait la honteuse parcimonie de cette époque pour les choses de l’enseignement. Ainsi le voulaient les paperasses administratives : j’étais un irrégulier, fils de mes études solitaires. J’oubliais donc, au milieu des livres, mes poignantes misères du professorat, quand, de fortune, je vins à feuilleter une brochure entomologique qui m’était venue entre les mains je ne sais plus par quelles circonstances.

C’était un travail du patriarche de l’entomologie à cette époque, du vénérable savant Léon Dufour, sur les mœurs d’un hyménoptère chasseur de Buprestes. Certes, je n’avais pas attendu jusque-là pour m’intéresser aux insectes ; depuis mon enfance, coléoptères, abeilles et papillons étaient ma joie ; d’aussi loin qu’il me souvienne, je me vois en extase devant les magnificences des élytres d’un Carabe et des ailes d’un Machaon. Les matériaux du foyer étaient prêts ; il manquait l’étincelle pour les embraser. La lecture si fortuite de Léon Dufour fut cette étincelle.

Des clartés nouvelles jaillirent : ce fut en mon esprit comme une révélation. Disposer de beaux coléoptères dans une boîte à liège, les dénommer, les classer, ce n’était donc pas toute la science ; il y avait quelque chose de bien supérieur : l’étude intime de l’animal dans sa structure et surtout dans ses facultés. J’en lisais, gonflé d’émotion, un magnifique exemple. À quelque temps de là, servi par ces heureuses circonstances que trouve toujours celui qui les cherche avec passion, je publiais mon premier travail entomologique, complément de celui de Léon Dufour. Ce début eut les honneurs de l’Institut de France ; un prix de physiologie expérimentale lui fut décerné. Mais, récompense bien plus douce encore, je recevais bientôt