Page:Fabre - Souvenirs entomologiques, première série, 1916.djvu/90

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comme l’apprend l’autopsie de l’insecte, on peut évaluer à une trentaine le nombre des œufs pondus, ce qui porte à dix le nombre des terriers nécessaires. D’autre part, les travaux ne commencent guère avant septembre, et sont achevés à la fin de ce mois. Par conséquent, le Sphex ne peut consacrer à chaque terrier et à son approvisionnement que deux ou trois jours au plus. On conviendra que l’active bestiole n’a pas un moment à perdre, lorsque, en si peu de temps, elle doit creuser le gîte, se procurer une douzaine de grillons, les transporter quelquefois de loin à travers mille difficultés, les mettre en magasin et boucher enfin le terrier. Et puis d’ailleurs, il y a des journées où le vent rend la chasse impossible, des journées pluvieuses, ou même seulement sombres, qui suspendent tout travail. On conçoit d’après cela que le Sphex ne peut donner à ses constructions la solidité peut-être séculaire que les Cerceris tuberculés donnent à leurs profondes galeries. Ces derniers se transmettent d’une génération à l’autre leurs demeures solides, chaque année plus profondément encavées, qui m’ont mis tout en nage lorsque j’ai voulu les visiter, et qui même, le plus souvent, ont triomphé de mes efforts et de mes instruments de fouille. Le Sphex n’hérite pas du travail de ses devanciers : il a tout à faire et rapidement. Sa demeure est la tente d’un jour, qu’on dresse à la hâte pour la lever le lendemain. En compensation, les larves recouvertes seulement d’une mince couche de sable, savent elles-mêmes suppléer à l’abri que leur mère n’a pu leur créer : elles savent se revêtir d’une triple et quadruple enveloppe imperméable, bien supérieure au mince cocon des Cerceris.

Mais voici venir bruyamment un Sphex qui, de retour de la chasse, s’arrête sur un buisson voisin et soutient par une antenne, avec les mandibules, un volumineux Grillon, plusieurs fois aussi pesant que lui.