Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/17

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ALCESTE.

Cependant…Vos discours sont perdus, je vous jure.
Voulez-vous écouter ma fâcheuse aventure ?

PHILINTE.

Voyons donc.

ALCESTE.

Voyons donc.Quand l’hymen vous unit tous les deux,
J’allai m’ensevelir dans un désert affreux…
Affreux ? pour le méchant : pour la vertu, superbe !
L’homme avait, en ces lieux, pour trésor une gerbe ;
Pour faste, la santé ; le travail pour plaisirs,
Et la paix de ses jours pour uniques désirs.
Grâce au ciel, dans ce lieu sauvage et solitaire,
Parmi de bons vassaux je trouvais ma chimère ;
Douce pitié, candeur, raison, franche gaieté,
L’ignorance des maux, et l’antique bonté.
Mais qu’elle dura peu cette charmante vie !
En un jour la discorde, et le luxe, et l’envie,
Les désirs corrupteurs et l’avide intérêt,
Et les besoins parés de leur perfide attrait,
Avec un parvenu, turbulent personnage,
Vinrent, en s’y logeant, troubler mon voisinage.
Vous vous doutez fort bien, à cette invasion,
Des rapides progrès de la contagion ?
Le bonheur déserta… Je tais les brigandages
Qui vinrent assaillir nos paisibles ménages.
Je veux, dans le principe, effrayé de ces maux,
Maintenir à la fois la paix et mes vassaux.
Mais enfin, à l’appui d’un renom de puissance,
L’iniquité parut avec tant d’impudence,
Que j’oppose en courroux, au front de l’oppresseur,
Le front terrible et fier d’un juste défenseur.
Le champ d’un villageois, son patrimoine unique,
Convient au parvenu, qui de ce bien modique
Veut agrandir un parc, je ne sais quel jardin,
Qui fatigue la terre et mon village. Enfin, ;
Il veut avoir ce champ ; on ne veut pas le vendre,
Et voilà cent détours inventés pour le prendre.
Titres insidieux, procès, ruse, incidents,