Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/28

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Il m’ose offrir un tiers pour ma part dans la somme…
J’ai caché devant lui mon indignation,
Et gardé le silence en cette occasion,
Pour sauver, s’il se peut, d’une ruine sûre
Un homme qui sans doute à cette fraude obscure
Ne s’attend nullement, non plus qu’à son malheur,
Et croit n’avoir signé qu’un titre sans valeur,
Quelque simple mandat, ou bien quelque quittance.

ALCESTE.

Vous me faites frémir. En cette circonstance,
Que ne dénoncez-vous soudain au magistrat
La manœuvre et le cœur d’un pareil scélérat ?

L’AVOCAT.

Eh ! monsieur, en ceci ma certitude intime
Suffit-elle à la loi pour attester le crime ?
Cette loi le protège, et je crains aujourd’hui
De le forcer lui-même à s’en faire un appui.
Contraint par le péril à plus d’effronterie,
Il soutiendrait l’éclat de cette fourberie ;
Et de ce mauvais pas, en procès converti,
L’opprimé ne pourrait tirer aucun parti.

ALCESTE.

Que ferez-vous, monsieur ? Je vous vois fort en peine.

L’AVOCAT.

Il me reste à trouver la demeure certaine
De l’homme que menace un semblable billet.
Le fripon est rusé, ma lenteur lui déplaît :
J’ai peur que de ma main bientôt il ne retire
Son titre frauduleux… Je n’ai rien à lui dire ;
À des gens moins au fait, moins délicats que moi,
Ce billet peut passer ; et dans ce cas, je voi
De fort grands embarras.

ALCESTE.

De fort grands embarras.Quelle est votre ressource ?
Ne puis-je vous aider de mes soins, de ma bourse ?
Car sur votre récit je me sens en courroux,
Et je prends à l’affaire intérêt comme vous.

L’AVOCAT.

Monsieur… un homme en place… un ministre propice