Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/51

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ALCESTE.

Et comment faites-vous pour voir de ce sang-froid
Toute perversion de justice et de droit ?
Félicitez-vous bien de votre indifférence ;
En voilà de beaux fruits, en cette circonstance :
Un fourbe sans pudeur, que son pareil défend ;
Un homme ruiné, le crime triomphant ;
Et parmi tant d’horreurs l’effet le plus étrange,
C’est qu’il semble que l’ordre encore les arrange.

PHILINTE, bien froidement, et ricanant.

Ne vous y trompez pas, et c’est l’ordre en effet
Qui dans le fond préside à tout ce qui se fait ;
Et vous verrez, monsieur, que, malgré vos murmures,
En ceci tout ira suivant mes conjectures.
Le grand malheur enfin pour se tant gendarmer,
Comme si l’univers tendait à s’abîmer !
Je plains les maux d’autrui ; mais, au vrai, cette affaire,
Dans la somme des maux, me semble une misère.
C’est un billet de fait ; d’abord on plaidera ;
Et puis, au bout du compte, enfin on le payera.
C’est la règle, la loi : qui signe ou répond, paye ;
Et je ne vois là rien, rien du tout qui m’effraye.

LE PROCUREUR

Monsieur prend bien l’affaire ; et j’ose demander,
Moi, dont le devoir est d’instruire, de plaider
Pour les infortunés sans appui, sans refuge,
Si j’ai tort ou raison ? Je vous en fais le juge.
On a fait un billet : j’en prétends la valeur…

ALCESTE.

Insidieux agent, votre homme est un voleur.

LE PROCUREUR

C’est ce qu’il faut prouver.

PHILINTE, au procureur.

C’est ce qu’il faut prouver.Monsieur, laissez-le dire ;
Faites votre métier. On vient de vous élire ;
Poursuivez donc l’affaire, et vous aurez raison.

ALCESTE.

Ferme ! excitez-le encore à tant de trahison.
Je n’y saurais durer ; et, dans ce qui m’arrive,