Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/53

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PHILINTE, jouant le sentiment.

Qui m’en empêchera ? Moi, Monsieur, qui déplore
Ce projet insensé. J’ajoute même encore
Que la saine raison, les égards, la pitié,
Commandent à mon cœur bien moins que l’amitié.
Par le sentiment seul ma prudence animée
Devant ce zèle ardent tient mon âme alarmée…
De crainte, de regret, je me trouve saisi.

ALCESTE, avec dégoût.

Quel langage étonnant avez-vous donc choisi ?
Vous, effrayé d’un trait qui me comble de joie ?
Et pensez-vous, monsieur, que sottement je croie
À tous ces faux semblants de sensibilité ?
Non, non, elle n’a point ce langage apprêté.
Quittez ou démentez ces grimaces frivoles,
Mais par des actions, et non par des paroles.
Avouez-moi plutôt que je vous fais rougir ;
Que mon zèle confond votre refus d’agir ;
Et que, par un dépit rongeur qui vous accuse
Vous souffrez d’un bienfait que votre âme refuse
Voilà votre état vrai ; voilà ce que je crois,
Et comment la vertu ne perd jamais ses droits.
Plus d’explication. Et vous, agent honnête,
Nommez-moi, pour répondre au combat qui s’apprête,
Nommez-moi, du billet dont vous êtes porteur,
Le traître créancier et le faux débiteur.
Vous n’avez pas encore une pleine victoire.

PHILINTE, au procureur.

Non, ne les nommez pas, monsieur, veuillez m’en croire.

ALCESTE.

Je veux l’apprendre, moi.

PHILINTE.

Je veux l’apprendre, moi.Vous ne le saurez pas.

LE PROCUREUR

Messieurs, je n’entends rien à de pareils débats,
Les noms dont il s’agit, dont l’enquête m’étonne,
Monsieur les sait fort bien.

ALCESTE.

Monsieur les sait fort bien.Qui ? moi ?