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LE PROCUREUR

Quoi !…Vous êtes rusé ; l’on peut l’être encor plus.

L’AVOCAT.

Je ne vous comprends pas…

LE PROCUREUR

Je ne vous comprends pas…Fi donc ! vous voulez rire.

L’AVOCAT.

En honneur…

LE PROCUREUR

En honneur…Allons donc.

L’AVOCAT.

En honneur…Allons donc.Comment ?

LE PROCUREUR, saluant.

En honneur…Allons donc.Comment ?Je me retire.

L’AVOCAT, le retenant.

Un mot encore, monsieur. Je puis vous assurer
Que je suis sans détour. Pourquoi délibérer
Pour vous ouvrir à moi ? pour me faire comprendre
Quel biais, après tout, ici vous voulez prendre ?

LE PROCUREUR, avec audace.

Je ne biaise point ; jamais, en aucun cas.
Et je vous dis bien haut, comme à cent avocats,
Eussent-ils tous encor mille fois plus d’adresse,
Que je ne fus jamais dupe d’une finesse.
Vous êtes bien tombé, de vouloir en ces lieux
Tendre à ma bonne foi des pièges captieux !
Ah ! je vous vois venir ! vraiment je vous la garde !
Oui, sans doute, attendez qu’ici je me hasarde
À vous offrir un tiers ou moitié de rabais ;
Que j’aille innocemment donner dans vos filets,
Et, séduit par votre air, qui me gagnera l’âme,
Convenir plus ou moins des droits que je réclame ;
Tandis que, mot à mot, du cabinet voisin,
Des témoins apostés en tiendront magasin ;
Tandis que finement deux habiles notaires
Y dresseront un texte à tous vos commentaires !
Je vous le dis, monsieur ; mais pour vous faire voir
Que je connais la ruse autant que mon devoir.