Page:Fabre d’Églantine - Le Philinte de Molière, 1878.djvu/82

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L’AVOCAT.

C’est un bonheur de plus, et…

ALCESTE.

C’est un bonheur de plus, et…Tant mieux. Je ressemble
À quantité de gens, et j’ai de grands défauts :
Vous les tempérerez, et j’aurai moins de maux.

PHILINTE, à Alceste.

Digne ami !… Quoi !…

ALCESTE, l’éloignant du geste, et avec un mépris tempéré de dignité.

Digne ami !… Quoi !…Monsieur, de ce nom je suis digne,
Je le crois. Mais qu’ici votre cœur se résigne
Pour jamais à ne plus appartenir au mien,
Ni par aucun discours, ni par aucun lien.
Je vous déclare net qu’à votre âme endurcie
Nul goût, nul sentiment, et rien, ne m’associe.
Je vous rejette au loin, parmi ces êtres froids
Qui de ce beau nom d’homme ont perdu tous les droits,
Morts, bien morts dès longtemps avant l’heure suprême,
Et dont on a pitié pour l’honneur de soi-même.

ÉLIANTE.

Cher Alceste, il craignait qu’un imprudent secours…

ALCESTE.

Madame, avec regret je lui tiens ce discours ;
Mais nos nœuds précédents sont ma louable excuse.
Quand j’abjure un ami, jamais je ne l’abuse.
Je le lui dis encore, ce nœud m’était sacré ;
Mais je le romps, dès lors qu’il l’a déshonoré.
Trop de bonheur encor, madame, est son partage
Vous êtes son épouse. Ah ! de cet avantage,
L’unique qui demeure à ses jours malheureux,
Puisse-t-il profiter pour le bien de vous deux !
Puisse la cruauté qu’il a pour ses semblables
S’adoucir chaque jour par vos vertus aimables !
La vertu d’une épouse est l’empire charmant,
Le plus doux, le dernier qui reste au sentiment.
Par ce vœu que je fais lorsque je l’abandonne,
Il doit voir à quel prix ma tendresse pardonne.
Adieu ; je pars, madame, après cet entretien.
Qu’il regrette mon cœur, et se souvienne bien