Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/128

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contrôler ces arrière-mobiles. Mais remarquez qu’à reculer ainsi et à faire reculer la conscience, nous la ruinons ; car nous la faisons reculer jusque dans l’inconscient où elle se perd. Je subdivise le commandement de ma conscience, par l’analyse, en plusieurs mobiles, et je contrôle ces mobiles, certainement avec ma conscience ; mais ces mobiles, hérédité, éducation, tempérament, multiples influences sociales, ou se perdent dans la nuit du passé, ou se dispersent dans l’espace du présent ; ils m’échappent ; je n’en suis plus juge, non pas plus que je n’en suis maître ; je suis même incapable de les distinguer ; et, dès lors, où est mon contrôle, et c’est cette conscience qui semblait si ferme qui s’est énervée et qui se sent impuissante, et c’est cette conscience qui semblait si solide et comme si compacte qui, à se disperser, s’est évanouie.

C’est donc un préjugé et une illusion, comme tant de choses qui n’ont pas été analysées, que le « témoignage » et le « commandement » de la conscience. La conscience est une chose multiple qui se présente à nous comme une, ce qui lui donne de l’autorité ; une chose variable qui se présente à nous comme immuable, ce qui lui donne du crédit ; et une chose très conditionnée elle-même et très relative, qui se donne à nous comme absolue, ce qui lui donne une divinité qu’elle n’a nullement.