Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/174

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qu’elle a été inventée par quelqu’un qui n’était un héros en aucune manière.

« Cette vertu dont Schopenhauer enseignait encore qu’elle est la vertu supérieure et unique, le fondement de toutes les vertus ; cette pitié, j’ai reconnu qu’elle était plus dangereuse que n’importe quel vice. Entraver par principe le choix dans l’espèce, la purification de celle-ci de tous les déchets, c’est ce qui fut appelé jusqu’aujourd’hui vertu par excellence. » — La compassion, pour peu qu’elle crée véritablement de la souffrance — et cela doit être ici notre seul point de vue — est une faiblesse comme tout abandon à une vertu préjudiciable. Elle augmente la souffrance dans le monde. Si, ça et là, par suite de la compassion, une souffrance est indirectement amoindrie ou supprimée, il ne faut pas se servir de ces conséquences occasionnelles, tout à fait insignifiantes dans l’ensemble, pour justifier les démarches de la pitié qui porte dommage. « En admettant que ces procédés prédominassent, ne fût-ce que pendant un seul jour, elles pousseraient immédiatement l’humanité à sa perte. Par elle-même, la compassion ne possède pas plus un caractère bienfaisant que tout autre instinct. C’est seulement quand on l’exige et quand on la vante — et cela arrive lorsqu’on ne comprend pas ce qui porte préjudice en elle, mais qu’on y