Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/19

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tisme dans sa complexion pour qu’il soit resté romantique relativement assez longtemps. Mais le fond ou si vous voulez — car je ne sais guère ce que c’est que le fond — certaines parties très considérables de sa complexion étaient tout autres et contraires. Il était prompt d’esprit, trop prompt même peut-être ; il aimait la clarté, il aimait, encore sans le bien savoir, la règle ; par son orgueil il était aristocrate ; et si l’art est toujours aristocratique, certainement, encore est-il que l’art romantique est plus populaire, s’adressant toujours plus aux sentiments qu’aux idées et, particulièrement, plus qu’aux idées fines. Et puis, ce qui à la vérité n’est que circonstanciel, mais n’en est pas moins important et peut-être plus, Nietzsche était indépendant et agressif, et que toute l’Allemagne fût pénétrée de romantisme, ce lui était une raison pour que très vite il se tournât d’un autre côté. Il s’affranchit.

Il s’affranchit d’abord, je crois, par la France et ensuite par la Grèce et peut-être par toutes les deux à la fois, et en tout cas, puisqu’il n’importe pas beaucoup, et qu’il faut un ordre, commençons par la France. Notons, du reste, qu’à la France comme à la Grèce il était conduit par son grand ami Gœthe, qui aimait autant l’une que l’autre. L’influence de Gœthe sur Nietzsche ne peut pas être