Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/341

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sont, pour la plupart, de ce même double avis et méprisent la femme libertine et n’ont aucune vénération, et c’est peut-être un peu le contraire, pour l’homme chaste. Pourquoi cela ? Parce qu’il est très certain que la société repose sur la chasteté des femmes et a beaucoup moins d’intérêt à la chasteté des hommes, ou, plutôt, a plus d’intérêt à l’énergie, au courage, à la loyauté, à la probité des hommes qu’à leur chasteté. Il est bien vrai que si la société tient à la chasteté des femmes, elle devrait, par conséquent, tenir aussi à la chasteté des hommes, étant incontestable que ces deux choses sont connexes. Évidemment ; mais, aussi et de par cette même connexité, si la société était sûre de la chasteté des femmes, elle le serait de celle des hommes, et c’est précisément pour cela que, sachant l’homme naturellement polygame et ayant intérêt à ce qu’il ne le soit pas, et sachant la femme au moins beaucoup plus monogame que l’homme, c’est à la femme qu’elle se fie pour maintenir autant que possible la chasteté générale ; et parce que c’est sur la femme qu’elle compte le plus pour cela, avec quelque raison, elle attribue à la chasteté féminine une valeur extrême ; elle convie la femme à la chasteté avec ardeur et avec autorité, et elle fait à la femme, de la chasteté, une vertu supérieure et essentielle et un devoir de premier