Page:Faguet - En lisant Nietzsche, 1904.djvu/54

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défaite avant le combat ; c’est donc être vaincu pour ne pas risquer d’avoir le dessous. Il faut aller à la recherche vaillamment et avec amour de la connaissance, amour préalable de la connaissance, comme ce prince qui était amoureux d’une princesse lointaine qu’il n’avait jamais vue. Il faut se dire que la vie n’a de sens que comme recherche du vrai, et qu’on ne la trouve bonne qu’à partir du moment qu’on la prise de la sorte : « Non ! la vie ne m’a pas déçu ! Je la trouve, au contraire, d’année en année plus riche, plus désirable et plus mystérieuse, depuis le jour où m’est venue la grande libératrice, à savoir cette pensée que la vie pouvait être une expérience de celui qui cherche la connaissance et non un devoir, non une fatalité, ni une duperie. Et la connaissance elle-même, que pour d’autres elle soit autre chose, par exemple, un lit de repos, ou bien le chemin qui mène au lit de repos, ou bien encore un divertissement ou une flânerie ; pour moi elle est un monde de dangers et de victoires, où les sentiments héroïques aussi ont leurs places de danses et de jeux. La vie est un moyen de la connaissance[1] : avec ce principe au cœur, on peut non seulement vivre avec bravoure ; mais encore vivre avec joie, rire de joie[2].

  1. Souligné par Nietzsche.
  2. Id.