Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/30

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cet ordre d’idées je suis avec vous. Mais de ce que j’ai des devoirs envers l’homme qui naît, il ne s’ensuit pas qu’il ait des droits. Les droits ne sont pas rigoureusement corrélatifs des devoirs. La charité, la considération, aussi, des services qu’il rendra plus tard me poussent (et non m’obligent) à secourir cet homme qui naît, à l’élever, à lui faire une place dans la société où il arrive. Mais il n’a à se prévaloir d’aucune espèce de droit, étant impossible qu’il soit créancier de personne. Tout droit qui ne résulte pas d’un contrat est une prétention, ou plutôt est un non-sens.

C’est précisément pour cela que quelques esprits logiques ou amoureux de logique, comme Rousseau, considérant ces prétendus droits de l’homme et voulant, pour un moment, les affirmer, ont été, pour les fonder, imaginer un prétendu « contrat initial » entre les humains, contrat d’où résulteraient en effet des droits, s’il existait. Seulement, je n’ai pas besoin de dire qu’il n’existe pas. C’est l’inanité même des droits de l’homme qui a conduit, pour qu’on les puisse proclamer, à leur chercher un fondement, mais plus vain encore, dans un contrat aussi imaginaire que possible, puisqu’il est impossible.

La vérité est que l’homme, être engagé dans la société par sa nature même et ne vivant que par elle, n’a aucun droit personnel antérieur au premier service qu’il rend et au premier contrat qu’il