Page:Faguet - Le Libéralisme.djvu/66

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

se complaisent et qu’ils font partager à autant de gens qu’il leur est possible. Un grand pays qui a de grandes destinées s’imagine ingénument qu’il est le protégé de la Providence, et par conséquent que la Providence a protégé particulièrement ses chefs. Les chefs d’Etat paraissent ainsi des fils aînés de Dieu ; un caractère sacré s’attache à eux. Ils deviennent des chefs religieux autant que des chefs militaires. Ils passent pour des représentants de Dieu même. Tout le monde le croit un peu ; eux surtout, le croient infiniment.

Dans ces conditions, comment pourraient-ils admettre qu’il y eût quelqu’un dans le pays qui fût quelqu’un ? Comment pourraient-ils admettre qu’il y eût quelque chose dans le pays qui ne leur appartînt pas ? Le fond de l’état d’esprit de tout gouvernement est cette pensée : « Le pays, c’est moi. » Il est par conséquent de l’essence de tout gouvernement de ne pas supporter la contradiction. Quand il la supporte, soyez sûr que c’est parce qu’il ne peut pas faire autrement.

Ceci est vrai de tous les gouvernements possibles. C’est vrai de la monarchie ; c’est vrai de l’aristocratie ; je n’ai pas besoin de dire que c’est plus vrai encore de la démocratie, parce que dans ce cas, le gouvernement sortant par délégation du peuple lui-même, a, en apparence, plus que tout autre, le droit de dire : « Le pays, c’est moi, » et de ne supporter, non seulement aucune résistance,