Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/105

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à ignorer, il est clair que nous n’en connaissons pas les frontières plus que nous ne connaissons celles de notre ignorance même, c’est-à-dire de notre savoir.

Et c’est ainsi que la métaphysique n’est pas la même chose pour tout le monde et qu’est métaphysique pour un ignorant et un inexercé telle chose qui est parfaitement du compréhensible et du connaissable pour un autre. Je me garde bien de dire à quelqu’un de mes semblables : « Ceci est de la métaphysique ; n’y touchez pas. » Je me le dis à moi-même, mais non pas à d’autres, conformément au mot le plus sensé qu’ait écrit Taine : « Je ne vois pas les bornes de l’esprit humain ; je vois celles du mien. »

Il s’ensuit qu’en tout temps ce qui est métaphysique est à peu près indiscernable de ce qui ne l’est point, et que nous sentons la métaphysique nous investir et nous serrer de toutes parts, comme à la fin, et aussi au commencement, et surtout au commencement, de toutes nos connaissances ; et que nous ne pouvons philosopher sans nous y sentir glisser et sans nous dire avec terreur : « n’y suis-je point ? » ; et qu’il faudrait se décider à ne point raisonner si l’on voulait être sûr de ne point faire de métaphysique, d’où précisément il résulte que ceux qui sont le