Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/108

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plus que l’on ne me donne, sacrifier ma vie à qui ne m’a donné la vie que par une métaphore un peu hyperbolique, on en conviendra, je ne comprends plus. Je ne comprends que si on sait habilement faire à mes yeux, de ma patrie, un être sacré, mystérieux, un être d’autel et de sanctuaire qui a le droit de me demander beaucoup plus qu’il ne me donne et auquel je suis comme voué et qui me commande tout ce qu’il veut sans que je puisse me permettre de discuter. Mais alors cet être est tout à fait une entité et nous sommes en pleine métaphysique. Cet être est un Dieu et nous sommes même en pleine théologie. La morale me commande au nom de quelque chose qui n’est pas déterminé, et c’est dire qu’elle me commande au nom de l’infini.

Si la morale est sociologique, elle est ou selon le droit ou selon les devoirs. Et si elle est selon le droit, elle ne saurait commander le sacrifice et elle ne commande vraiment pas grand’chose ; et si elle est selon le devoir, elle est une piété, une piété envers la patrie, et elle est métaphysique et théologique plus que jamais.

La morale me commandera-t-elle au nom des dieux ? Je viens de montrer qu’à prendre ce nouveau biais, nous n’avons pas changé de place. Nous avions un Dieu proche, nous avons des dieux éloignés et il n’en est que cela. Les