Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/146

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vertu tout entière, je dis qu’il serait impossible qu’il ne l’embrassât point immédiatement et pour toujours, et voilà pourquoi je peux dire que savoir le bien ou le faire, c’est la même chose ; à la condition qu’on le sache bien ; eh ! sans doute !

À quoi nous disons, nous, comme un Cébès ou comme un Gritéas, qu’il nous semble bien que c’est ainsi, avec cette seule réserve qu’on ne peut connaître la vertu aussi à fond que quand on est vertueux, et que par conséquent ce que dit Platon revient à dire : on ne peut être vertueux sans vouloir continuer de l’être. Mais ceci n’est pas l’identité rationnelle de la connaissance de la vertu et de sa pratique.

Laissons ce point et songeons à l’intérêt que Platon avait dans cette question. Platon a un grand intérêt actuel et moral à ce que, fût-elle contestable, cette thèse soit tenue pour vraie et fasse office de vérité. Il est philosophe, il est professeur de philosophie et de morale ; il est une manière de prêtre laïque. Ce qu’il veut, et il le dira sur le tard, mais il l’a toujours pensé, c’est que les philosophes gouvernent les hommes. Or c’est un préjugé assez répandu parmi les hommes de tous les temps et qui l’était très fort chez les Grecs, que le philosophe n’est pas un homme très sérieux. Un philosophe qui avait transgressé, je ne sais plus