Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/149

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Grèce, et cela sera affirmé plus tard avec une très grande énergie, que le plaisir n’existe pas, qu’il n’a aucun caractère positif, qu’il n’est autre chose que l’absence de la douleur et que, par conséquent, la douleur seule est réelle. Qu’on ne réponde pas à ceux-ci qu’il n’y a rien de plus réel qu’une sensation, fût-elle agréable et que la sensation de bien-être que produit le manger, le boire, le se reposer et le s’endormir est une réalité incontestable. Ils vous répliqueront que l’on n’éprouve du plaisir à manger, etc., que quand on a eu faim, etc., que quand on a éprouvé un besoin c’est-à-dire une souffrance, et que par conséquent le plaisir n’est pas quelque chose de réel, qu’il est la simple cessation d’une souffrance. Tout plaisir naît d’un besoin et par conséquent il n’est que la trêve d’une douleur.

À cela on pourra contre-répliquer qu’il y a des plaisirs qui ne sont pas la cessation d’un besoin. Ce sont par exemple les plaisirs esthétiques et les plaisirs moraux. Nous ne souffrons pas positivement (ou ce serait bien abuser des termes que de le dire) de ne pas voir de belles choses ; mais nous jouissons, et singulièrement, d’en voir de belles. Et voilà un cas, qui se multiplie, Dieu merci, en beaucoup de cas, où le plaisir est tout autre chose que la cessation d’une souffrance