Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/152

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toujours incomplets, par suite toujours mêlés du regret que l’on a qu’ils soient incomplets, toujours mêlés du regret que l’on a de ce qui leur manque.

Il est même curieux de remarquer qu’à mesure que les plaisirs sont plus vrais, ils sont plus mêlés. Si l’on appelle plaisir vrai celui qui ne naît pas d’une souffrance, il est plus vrai, nous le voulons bien, mais il est plus mêlé. Le plaisir de manger vient de la faim et n’est que la cessation d’une souffrance et par conséquent naît de la souffrance même, mais en soi il n’en est pas mêlé, en soi il a quelque chose de complet et de plein.

Le plaisir d’admirer une belle chose ou le plaisir de faire le bien ne naît pas d’une souffrance, mais il en est toujours accompagné, n’étant jamais satisfait complètement ; d’où il suit qu’il semble déjà que dans l’analyse du plaisir on trouve toujours la souffrance ici ou là, tout proche ou mêlée au plaisir même, et l’empoisonnant toujours, soit par son voisinage, soit par sa présence.

Et enfin cette loi se vérifie même quand nous considérons le plus noble des plaisirs, qui est de se battre contre soi-même et de se vaincre ; car alors souffrance et plaisir sont mêlés intimement, mêlés de telle sorte que c’est la souffrance qui est le plaisir même. Nous nous torturons et à cela nous trouvons du plaisir ; mais c’est dans la souf-