Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/167

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monie ; le but de la vie est le bien, le but de la vie est l’harmonie.

— Mais alors le bien, c’est le beau.

— J’allais vous le dire. « Le bien ne va pas sans le beau, ni le beau sans l’harmonie. »

— Donc la morale est une esthétique.

— Précisément ! La morale est d’une part une esthétique par delà l’esthétique ; et d’autre part une esthétique qui se ramène en soi au lieu de se répandre et que l’artiste applique sur lui-même au lieu de l’appliquer au dehors.

C’est une esthétique par delà l’esthétique. C’est pour cela, comme nous l’avons soupçonné plus haut, que les plaisirs artistiques ont déjà une valeur morale. On s’y sent désintéressé, par conséquent noble, et l’on y jouit d’une jouissance qui semble déjà par delà le plaisir. C’est un premier degré. Ce premier degré consiste en ce que nous contemplons l’ordre réalisé, l’harmonie réalisée. Mais il y a un second degré qui consiste à réaliser soi-même cette harmonie et c’est le plaisir de l’artiste ; et il y a un troisième degré qui est de réaliser cette harmonie en soi-même. Voilà ce que j’entendais par esthétique par delà l’esthétique. C’est une esthétique souveraine et suprême qui dépasse les lois du beau en ce qu’elle les invente, qui est invention non pas de quelque chose selon l’art,