Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/168

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mais de l’art lui-même, qui va chercher le beau dans l’idée du beau elle-même et comme au sein de Dieu.

Car réaliser une chose belle, c’est entendre la voix du Dieu de l’esthétique, de Phoibos, si l’on veut ; mais réaliser soi-même beau, se réaliser en beauté, ce n’est plus entendre cette voix, c’est l’avoir soi-même ; ce n’est plus une « réminiscence », c’est une création ; ou, si l’on veut, c’est encore bien une réminiscence, mais comme c’est une union directe, pour ainsi dire, avec l’idée de perfection, c’est une réminiscence le temps supprimé, c’est une réminiscence hors de la condition du temps, ce qui revient à dire que c’est une création, une invention dans toute la pureté de la chose que désigne ce mot.

Et d’autre part, sur quoi nous n’insisterons pas, puisque cela est contenu dans ce que nous venons de dire, la morale pratique, la vertu, c’est une esthétique qui se ramène sur le sujet au lieu de se répandre sur un objet extérieur ; c’est une esthétique qui se ramène en soi et qui, par ce fait, a quelque chose de plus intime et de plus fort. Il y a une concentration extrême des forces et il n’y a aucune déperdition ou dispersion de force. Le vertueux se modèle et se pétrit en beauté, non sans effort, mais avec un effort dont il ne perd rien et où