Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/23

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déjà agrandi, paraît-il, de sa doctrine et de sa prédication populaire.

Rien de plus jusqu’à présent ; et Platon aurait pu être un simple sophiste amateur, le plus grand des sophistes, sans être un batailleur, un conquérant et un fondateur, si un très grand événement ne fût survenu.

Socrate, pour toutes sortes de raisons restées assez obscures, sous la pression d’une coalition politique et religieuse, sous les coups d’adversaires dont les uns étaient conservateurs et les autres novateurs, surtout parce qu’il s’était moqué de beaucoup de gens et que jusqu’à la fin il garda une attitude de défi, Socrate fut condamné à mort et exécuté.

Platon a représenté l’humanité tout entière en ceci qu’il ressentit jusqu’à la plus affreuse douleur cette insulte d’Athènes au genre humain. La mort de Socrate fit de Platon tout ce qu’il a été. Elle créa le Platon que nous connaissons. Platon est un Athénien bien doué qui a vu mourir Socrate et que la mort de Socrate a poursuivi et hanté jusqu’au tombeau et que la mort de Socrate a fait sentir et a fait penser toute sa vie et à qui la mort de Socrate a inspiré tous ses sentiments, toutes ses passions et toutes ses idées, et qui n’a presque rien vu dans le monde des idées morales, des idées philosophiques