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de la Loi. Qui pourrait se plaindre, ou parler de tyrannie dans un état d’où le caprice et l’arbitraire sont bannis, puisque c’est la loi qui gouverne ?

Platon est peu ému de cette objection. Pour ce qui est du gouvernement d’un peuple par les lois, il y a deux cas, et en vérité il n’y en a pas un troisième. Ou les lois sont très fixes, très rarement changées, respectées en raison même de leur ancienneté, véritables reines inamovibles de la Cité ; — ou les lois sont faites et refaites continuellement, au jour le jour, par une manufacture législative sans cesse en exercice.

Dans le second cas il est bien évident que le peuple n’est nullement gouverné par des lois. Il est gouverné par des législateurs, qui donnent seulement le nom de lois à leurs volontés successives, d’hier, d’aujourd’hui, de demain. Il est gouverné par le corps législatif, Sénat, Oligarchie ou Peuple, qui a simplement la politesse d’appeler lois ses caprices. Il est gouverné capricieusement, arbitrairement, tyranniquement, avec mention du mot loi. Il est gouverné par un tyran qui nomme lois les actes de sa tyrannie. Il est gouverné légalement, selon les mots, tyranniquement, en fait ; il n’y a rien de plus clair.

L’autre cas, celui où les lois sont très fixes, très