Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/42

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selon les caractères et à proportionner ses conseils et avis aux tempéraments et complexions.

C’est faire de même que de mettre la loi à la place d’un homme sage. La loi peut être sage ; mais elle l’est sans flexibilité et sans nuances, et c’est une extrême flexibilité et de multiples nuances qu’il faut sans doute pour gouverner l’être divers et ondoyant. Par définition la loi est bonne pour une moyenne, elle est faite en vue de cette moyenne et comme prise à sa mesure. Et c’est à tous qu’on l’applique : donc on est sûr de se tromper en l’appliquant.

« Ce qui est applicable à la plupart des individus et la plupart du temps, le législateur en fera une loi et l’imposera à toute la multitude, soit qu’il la formule par écrit, ou qu’il la fasse consister dans les coutumes non écrites des ancêtres. » — Cette loi blessera, inutilement pour la société, et même dangereusement pour la société, tous ceux-là, et ils seront nombreux, qui seront un peu en dehors de la moyenne ; elle s’opposera aussi à toute idée nouvelle, soit en fait d’organisation sociale, soit en fait de discipline ; elle ressemblera à un maître impérieux, borné et têtu.

La loi-reine ressemble à un vieux tyran qui n’aurait jamais été très intelligent, mais qui