Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/75

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phores brillantes ; mais encore il affirme, avec beaucoup de raison, que ces mythes ne sont que frivoles ou corrupteurs pour ceux qui en ont perdu la clef et qui n’y voient plus que des anecdotes, c’est-à-dire pour tous les Grecs, même au quatrième siècle.

Il n’est pas moins affirmatif et il n’est pas moins audacieux sur les rapports entre les hommes et les dieux. Les prières, les offrandes, les sacrifices et ce qu’il appelle synthétiquement « la sainteté » lui paraît un simple « trafic » qui n’est pas digne de la moindre considération : « Sacrifier c’est donner aux dieux ; prier c’est leur demander… Il suit de là que la sainteté est la science de donner et de demander aux dieux… Pour bien demander, il faut leur demander ce de quoi nous avons besoin… et pour bien donner, il faut leur donner les choses qu’ils ont besoin de recevoir de nous… La sainteté, mon cher Euthyphron, est donc une espèce de trafic entre les dieux et les hommes. — Ce sera un trafic, si tu le veux. — Je ne le veux pas, s’il ne l’est réellement… »

Cela ne serait peut-être que très vain et très puéril, si de ce trafic, de ce négoce il n’y avait pas toute une organisation, toute une administration, qui est la chose la plus immorale du monde. Les prêtres, les sacrificateurs, les devins sont les admi-