Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/96

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niens restent enfants en ceci qu’ils considèrent comme l’objet de la vie ce qui n’en est que la préparation d’abord et l’ornement ensuite. Si l’on veut, ils ne sont pas corrompus par l’art ; mais ils sont maintenus par leur amour excessif de l’art dans l’immoralité, dans l’indifférence morale qui leur est naturelle et qui est entretenue puissamment par d’autres choses.

Et ce peuple est enfin corrompu par ses prêtres, qui sont les derniers des hommes. Ils n’ont, à la vérité, aucune influence sur l’élite, qui en partie ne croit à rien, en partie ne croit qu’à la divinité du beau, en partie croit secrètement, et avec des allures de conspirateurs, aux mystères, assez purs et assez obscurs aussi, d’Éleusis ou des Orphistes. Oui, l’élite athénienne échappe aux prêtres complètement. Mais qu’importe, si les prêtres conservent un immense ascendant sur le peuple, qui est ici le maître absolu ?

Or les prêtres tiennent le peuple et ils l’abêtissent à souhait et le démoralisent à merveille. Ils le gorgent d’oracles idiots ; le flattant par le merveilleux comme les démagogues par des caresses et des déclarations d’amour ; lui faisant croire tous les matins qu’il va être vainqueur de la terre et qu’il est le mignon des dieux tout-puissants. Ils l’habituent au vice en le lui représentant comme rachetable