Page:Faguet - Pour qu’on lise Platon, Boivin.djvu/99

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Ceux qui rêvent une humanité tout entière régie par un seul gouvernement, celui du peuple le plus fort, font un rêve très séduisant et je dirai honorable, au point de vue de la paix humaine ; mais ils ne songent pas assez que, bon gré mal gré, c’est à une sorte de congestion cérébrale de l’humanité qu’ils visent en effet, avec afflux de sang à la tête et paralysie de tout le reste. Le centre du monde transporté quelque part ailleurs qu’ici, il se peut très bien que les Athéniens et les Béotiens, qui ne sont pas des sots, et les Corinthiens et tous les autres deviennent stupides ou rebroussent chemin, du moins, vers l’ineptie primitive. Il est bon que l’humanité ait plusieurs foyers de civilisation, et dès que l’un de ces foyers ou s’éteint ou est comme invité à s’éteindre, c’est vraiment une perte pour l’humanité générale.

C’est pour cela, et sur ce point l’instinct populaire ne se trompe pas, c’est pour cela qu’il est vraiment du devoir de chaque citoyen de ne pas renoncer sa patrie et de ne point la considérer comme disparue tant qu’elle ne l’est pas matériellement et sans retour, quand bien même il la considère comme moralement n’existant plus.

Mon devoir est donc d’essayer de rendre une âme à ce pays qui est le mien.

Or ce qui lui manque, en haut, en bas et au