Aller au contenu

Page:Faguet - Voltaire, 1895.djvu/155

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

CHAPITRE VII

LE DRAMATISTE — TRAGÉDIES.

Les tragédies de Voltaire ont été, depuis 1730 jusqu’en 1820 environ, considérées, même par les ennemis de Voltaire, comme ce qu’il avait fait de plus beau, et, depuis 1820 jusqu’à nos jours, presque comme ce qu’il a fait de plus négligeable. Voici pourquoi. En 1730, on sortait du théâtre de Corneille, de Racine : et surtout du théâtre des imitateurs de Racine : les Lamotte, les Campistron. On sentait vaguement ce qui manquait en général à ce théâtre, et c’était d’abord une action rapide, et ensuite les prestiges et les grands effets du spectacle.

Voltaire, qui était le plus avisé des dilettantes, comprit, très bien les désirs instinctifs du public. Il voulut ne rien changer pour le fond à la tragédie du xviie siècle qu’il aimait fort, mais y ajouter une action plus vive et plus violente, pour ainsi parler, et la grandeur imposante d’un spectacle vaste et varié. Deux pièces classiques hantaient continuellement son imagination, la Rodogune de Corneille et l’Athalie de Racine. Rodogune avec ses situations extraordinaires et qui excitent violemment l’intérêt de curiosité et son dénouement tout plein d’anxiété et de terreur ; Athalie avec son admirable décoration, ses groupes nombreux sur la scène, ses tableaux frappant fortement l’imagination par les